Patrick Evesque
Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai 32 ans et je travaille sur un campus universitaire. À la fois photographe et créateur d’accessoires, je suis un passionné qui adore la nature pour y pratiquer différentes activités comme l’escalade et la randonnée.
Depuis quand pratiquez-vous la photographie ?
Gamin, j’utilisais déjà le boitier de mes parents pour prendre quelques photos de nos virées familiales en montagne ou en vacances. Mais j’ai vraiment plongé il y a sept ans environ. Ma mère a ressorti ce qui semble être ma première photo, j’avais alors six ans. On a bien rigolé. Depuis, je l’ai d’ailleurs mise sur mon blog.
Qu’aimez-vous dans la photographie ?
J’aime me poser, prendre mon temps, m’imprégner de la sérénité des endroits où je me trouve. J’aime photographier des ambiances en pleine nature. Chaque moment, chaque lumière est un instant unique.
Comment avez-vous découvert la photographie ?
Avec mes parents, très jeune, mais à l’époque c’était sans y attacher une réelle importance. Et puis, quelques années après m’être installé à Paris, j’éprouvais un besoin vital d’espace, de calme et de nature. Alors je me suis mis à la varappe en forêt de Fontainebleau, régulièrement. Très vite j’ai voulu trouver un moyen d’exprimer et partager ce que je ressentais en escaladant des blocs de pierre. De cette envie est née la série « à mains nues », laquelle est depuis toujours ouverte. C’est au fil de cette série que j’ai découvert les multiples aspects et les différentes techniques de la photographie.
Parlez-nous de ce travail, « Plaidoyer pour une luxueuse solitude »
Étrange Terre scarifiée, cieux écrasants, souffle glacial. Somptueux paysages, perpétuelle naissance du Monde… La série présentée lors de cette exposition est issue de mes séjours en Islande, pays aux confins du cercle polaire arctique, d’une superficie cinq fois moindre que la France, pour une population deux-cent fois plus petite. L’Islande est une zone active émergente de la dorsale médio-atlantique. Conjugués aux voluptueuses lumières boréales, ses paysages écorchés appellent à une vraie réflexion sur notre mode de vie. Un mode de vie qui menace toute la biosphère terrestre. Il reste toutefois dans ce coin du Monde encore quelques endroits encore épargnés par les actions irréversibles de l’homme, pour le plus grand bonheur des sens.
Comment l’idée de ce sujet et le choix de l’Islande se sont-ils imposés à vous ?
J’ai toujours été attiré par les pays nordiques. Enfant, j’ai vécu dans un petit village des Hautes-Alpes. Habitant aujourd’hui dans une mégapole européenne, je suis périodiquement en quête de grands espaces, de nature et de calme : une combinaison devenue synonyme de luxe. Ce travail est le résultat d’une recherche photographique sur le sentiment de solitude. Il mélange donc quiétude ressentie et questionnement connexe tout au long de mes errances nordiques. Je suis toujours allé là-bas durant l’automne ou l’hiver, afin d’y rencontrer une nature le plus possible à l’état brut. Je laisse dans mes travaux une place prépondérante aux paysages, ces catalyseurs de vie.
Comment s’est passée pour vous la découverte de ces lieux isolés ? Comment vous êtes-vous « immergé » dans cette ambiance ?
Cette série a été réalisée au cours de deux voyages riches en émotions. Associé à la gentillesse exquise des Islandais, le spectacle offert par de tels endroits ne peut laisser indifférents. Hormis ma location de voiture en arrivant à Reykjavik et une première nuit programmée dans la capitale, je n’avais rien planifié. Une fois sur place, j’ai suivi mes envies du moment, guidé par le vent et quelques photos que j’avais glanées dans des bouquins avant de partir. Quelques rares mais intense et agréables rencontres ont fait le reste.
Le titre de l’exposition fait référence à la solitude ; Les notions d’errance et de solitude, qui sont omniprésentes dans ce travail, sont-elles indispensables pour vous en tant que photographe ? Ou était-ce une façon d’aborder ce sujet ?
Solitude, errance et Islande étaient indissociables. J’avais besoin de cela pour me « réaliser » dans un tournant personnel de ma vie. Se retrouver derrière un boitier, seul face à de pareilles étendues vierges, permet de se recentrer. Cela a été parfois pesant. Ne pas voir âme qui vive pendant des heures et ne parler à personne durant des jours, ce sont des situations peu courantes dans mon quotidien, voire improbables. Même si je suis par certains côtés une personne plutôt solitaire, j’aime aussi partager.
Vos photos mettent merveilleusement en valeur la force, la dureté de cette nature sauvage, mais aussi son incroyable fragilité. Ces clichés posent ’éternelle question de notre propre mode de vie, tant ces endroits, aussi reculés soient-ils, contrastent avec nos dérives. Pensez-vous que la photo peut jouer un rôle important, aujourd’hui, dans la prise de conscience générale à ce sujet ?
Témoigner a toujours été une des vocations principales de la photographie. Elle permet de visualiser nos dérives, mais aussi de montrer et suggérer des voies pour en sortir. C’est ce que je m’efforce de proposer en montrant une nature à l’état brut dans ce pays occidental certes à la pointe de la technologie, mais où l’Homme a vraiment compris qu’il fallait vivre en symbiose avec son environnement. Certaines routes ont même vu leurs tracés modifiés pour respecter le lieu de vie des Elfes !
Appliquez-vous un traitement à vos photos ?
Aucun sur la série présentée. Seules certaines photos numériques voient leur balance des blancs modifiée quand je photographie en intérieur.
Que pensez-vous de la photographie d’aujourd’hui ? (nouvelles technologies, tendances, démocratisation de la photo etc.)
De formation informatique, je ne suis pas gêné par les nouvelles techniques. Je regrette juste l’oubli des anciens procédés. Développer sa pelloche, faire ses tirages ou utiliser un Pola et faire des transferts… tout cela est tellement magique. Je trouverai vraiment stupide et dommage que toutes ces pratiques s’arrêtent. Il faut communiquer et garder l’esprit ouvert.
Quels sont vos projets photo pour l’avenir ?
Le Nord et encore le Nord. Je repars dans les îles Lofoten bientôt. Et normalement en Islande l’hiver prochain, mais cette fois pour quelque chose de nouveau. Et puis, après un hiver parisien plutôt humide, j’espère que le printemps m’offrira quelques belles journées pour continuer mes recherches sur l’escalade.